Nous fédérons, vous fédérez, ils·elle fédèrent

Entretien avec Véra Bezsonoff, coordinatrice de l'accompagnement des adhérents et des dynamiques de territoire à la FEDELIMA.
25.03.2024

Parce qu'une fédération est un appui considérable pour tout un secteur d'activité, un espace de partage de nos pratiques, une voix commune pour porter et défendre les intérêts des lieux adhérents, nous avons choisi de mettre en lumière ce travail de l'ombre. Véra, nous accompagne entre autres, sur ces questions, et plus récemment sur la constitution de la nouvelle association Espace Django Strasbourg Neuhof. Merci pour tout Véra, et pour t'être prêtée au jeu de l'interview, bonne lecture !

Bonjour Véra, peux-tu te présenter en quelques mots et quel est ton rôle au sein de la FEDELIMA ?

Bonjour, je travaille à la FEDELIMA (fédération des lieux de musiques actuelles) depuis 2010. Le projet fédéral a affirmé, dès le départ, une mission d’observation des lieux de musiques actuelles à la fois quantitative (avec le développement d’une méthode : l’observation participative et partagée) et qualitatives. Un des objectifs de cette mission est de pouvoir construire de la ressource et des analyses en direction et à la demande des adhérents de la fédération, puisque ces éléments puissent servir ensuite à l’ensemble des adhérents et plus largement, aux partenaires publics et de projets. Ainsi, ayant une formation de socio-anthropologie (basée essentiellement sur de l’analyse qualitative), j’ai été embauchée pour venir en soutien aux demandes des adhérents et pouvoir réaliser des observations qualitatives du secteur.
Plus concrètement, lorsqu’une structure adhérente a une question, a besoin de ressources et/ou de méthodes ou souhaite faire un état des lieux de son projet, je vais me déplacer au sein de la structure afin de transmettre de la ressource et des méthodes déjà constituées, ou réaliser un état des lieux sociologique, ou encore construire de la ressource et de la méthode en lien avec les demandes des adhérents. Parallèlement, le fait de répondre aux demandes des adhérents in situ permet de faire de l’observation et vient nourrir les analyses que nous pouvons réaliser sur le secteur.

Tu entretiens donc un lien privilégié avec les acteur·ices des musiques actuelles, quel regard portes-tu sur cet éco-système ?

Les acteur·ices des musiques actuelles sont très diversifié·es. En effet, on ne porte pas des enjeux similaires selon qu’on soit une structure qui porte un projet d’intérêt général ou une structure se situant dans l’industrie musicale. Les adhérents de la FEDELIMA sont des structures qui ont pour point commun de porter un projet d’intérêt général. Elles défendent à ce titre des enjeux artistiques et culturels mais aussi, plus largement, des enjeux sociétaux. Elles travaillent par ailleurs avec l’industrie musicale mais les missions qu’elles portent sont à destination avant tout des personnes d’un territoire donné. Si l’on parle de la situation de ces structures aujourd’hui, elles ont été très impactées par la crise COVID mais aussi plus généralement par l’inflation économique, la crise écologique (qui n’est pas nouvelle), une crise idéologique (avec des atteintes à la liberté d’expression), une perte d’attractivité en terme d’emploi (avec des difficultés d’embauche), etc. Le contexte actuel est difficile et beaucoup de projets sont menacés de disparition. Or, si ces lieux de diffusion dits « intermédiaires » disparaissent, qu’en sera-t-il ensuite pour la diffusion des artistes émergents ? Pour la mise en œuvre des droits culturels et la possibilité pour chacun·e de s’exprimer au travers d’une pratique musicale et/ou culturelle ? Paradoxalement, et plus positivement, ces crises obligent les structures portant un projet d’intérêt général à réinterroger leurs modèles économiques, mais aussi et surtout leurs propositions d’actions, leurs formats de diffusion, leur place sur leur territoire, leurs coopérations, etc. Ce qui donne lieu aussi à des expérimentations très intéressantes, ainsi qu’à une diversité et une singularité des projets tout aussi intéressantes.

« Le contexte actuel est difficile et beaucoup de projets sont menacés de disparition. »

Tu as beaucoup accompagné l’Espace Django pour son changement d’association, que penses-tu de la démarche et du projet au sens large ?

Le fait de créer l’association en y associant les habitant·es du quartier, les habitué·es de l’Espace Django ou encore les partenaires me semble très pertinent et complètement en phase avec les enjeux du projet et notamment celui de la mise en œuvre des droits culturels. Finalement, la démarche et toutes les réflexions sur les valeurs et enjeux du projet l’ont encore plus fortement ancré sur son territoire (même s’il l’était déjà), au sein du quartier et en ouverture sur ce dernier. Au-delà de cette démarche de changement d’association qui finalement conforte ce qu’était déjà le projet de l’association, l’Espace Django a toujours été reconnu au sein de la fédération pour sa capacité à fédérer, à expérimenter et à associer le quartier à son projet et ses actions. On ne peut que saluer les enjeux de ces projets fortement ancrés sur leur territoire, qui expérimentent d’autres formes de diffusion et qui jouent un rôle fort en termes de lien et de cohésion sociale. C’est un projet qui défend pleinement des enjeux d’intérêt général et sociétaux.

Toi qui parcours la France et ses nombreuses structures, quel(s) lieu(x) (ou projet) aimerais-tu nous faire découvrir ?

Habituellement à cette question, je cite le vôtre ! Mais si je dois répondre à cette question, je dirais que tous les projets des structures adhérentes à la fédération sont intéressants à découvrir car chacun est unique de par son histoire, son territoire, son environnement, etc. Peut-être que sur des projets très singuliers, comme peut l’être celui de l’Espace Django, nous pourrions citer le Run ar Puns à Châteaulin qui représente à la fois un lieu de diffusion, un bar, des espaces de résidence et de salles de formation, des habitations, et qui développera prochainement aussi une activité de maraichage bio et de restauration. La Bobine à Grenoble aussi qui développe un projet très associatif (avec des programmations partagées) et un véritable lieu de vie, mais avec aussi une activité économique de restauration et bar qui permet de financer son projet artistique et culturel. Ou encore, Emmetrop à Bourges, friche culturelle qui rassemble différentes esthétiques artistiques. Il y a aussi la Gare à Coustellet ou Art’Cade sur le département de l’Ariège qui développent un projet construit en coopération sur leur territoire. Il y en aurait tellement à citer…

« L’Espace Django a toujours été reconnu au sein de la fédération pour sa capacité à fédérer, à expérimenter et à associer le quartier à son projet et ses actions. »

Et pour finir, des musiques à nous partager pour égayer nos playlists ?

En ce moment (c’est tellement variable), c’est plutôt du rap français que je vais écouter pour m’accompagner dans le train quand je sillonne la France. Donc pour ne citer que quelques titres, je dirais :
Keny Arkana – Capitale de la rupture
AMALIA – Lettre à ma France
Dooz Kawa – Berceuz pour insomniaks
Médine – Le jour où j’ai arrêté le rap
Hugo TSR – Les vieux de mon âge